Léo, mon premier enfant, mon amour envolé …
Ma grossesse se déroulait bien. C’était mon premier bébé, tout semblait aller pour le mieux.
Et pourtant, dès le début, j’ai eu ce mauvais pressentiment.
Lors de mon dernier rendez-vous de contrôle, j’étais à bout. Épuisée, stressée, en larmes. Ma gynécologue, attentive et rassurante, m’a écoutée. Elle a pris le temps, a tout bien vérifié et m’a confirmé que tout allait bien.
Elle m’a mise en arrêt durant une semaine, me disant de me reposer, de penser à moi et à mon bébé. J’ai suivi ses conseils.
Ce jour-là , je l’ai encore senti bouger. Puis dès le lendemain, plus rien. Plus aucun mouvement.
Je me suis dit qu’il dormait, que j’étais trop calme.
J’ai essayé de le stimuler : repassage, chocolat, passer l’aspirateur, boire du Coca … rien n’y faisait.
L’angoisse grandissait mais je voulais encore croire que c’était normal.
Quand mon compagnon est rentré du travail, vers 18h15, je n’avais toujours rien senti. Il m’a dit d’appeler la maternité pour être rassurée. Je l’ai fait. J’étais à 26 semaines.
Nous sommes partis, stressés mais encore légers. On essayait de plaisanter de la situation, on s’est dit qu’on irait manger une frite en revenant, que ce serait finalement un joli souvenir. On ne savait pas encore que notre monde allait s’effondrer.
À l’hôpital, une sage-femme m’a installée pour le monito. Elle m’a expliqué que c’était difficile de capter les battements parce que le bébé était encore petit. Alors elle nous a orientés vers une échographie, mais très vite, elle a dit que la machine ne fonctionnait pas bien. On l’a crue. Puis une autre sage-femme est arrivée. Elles ont appelé la gynécologue. L’attente a été interminable mais on gardait espoir jusqu’à ce que la gynécologue arrive, fasse une échographie et secoue doucement la tête.
J’ai senti l’air se vider de mes poumons. J’ai demandé : « Non quoi ? » Et elle a dit : « Le cœur ne bat plus. » Nous nous sommes effondrés. Le monde s’est arrêté.
Très vite, on m’a dit que je devais rentrer chez moi et revenir lundi – nous étions samedi – pour refaire un examen et fixer la date du déclenchement.
Ma gynécologue était en congé et cela a accentué ma panique. Qui allait m’accompagner ? Qui allait comprendre ?
On nous a donné un Xanax, et on s’est retrouvés tous les deux, à minuit, en larmes sur le parking de l’hôpital. Complètement perdus.
Le dimanche a été un cauchemar. Nous avons dû prévenir nos proches. Le choc, la douleur, l’incompréhension. Tout était flou.
Le lundi, nous avons revu ma gynécologue, revenue exprès. Je lui serai à jamais reconnaissante. Elle a refait une échographie.
Léo était toujours là mais son petit cœur restait silencieux. Nous avons vu une psychologue et la date du déclenchement a été fixée au mercredi.
Mon ventre avait déjà changé. Il n’était plus aussi voyant. Je ne me reconnaissais plus. J’avais l’impression de flotter hors de ma propre vie et de n’être plus qu’un corps avançant dans un tunnel.
Le mercredi 14 août 2013 à 14h58, j’ai mis au monde notre fils, Léo. L’accouchement s’est étonnamment bien passé. Il était magnifique. Parfait. Silencieux.
Nous n’étions pas en état de gérer quoi que ce soit. Ce sont nos proches qui ont organisé les obsèques. Ils ont été présents, discrets, essentiels. Nous leur devons beaucoup. Moi, je n’étais qu’un vide, incapable de me projeter, de décider, de faire face.
Plus tard, l’autopsie a révélé la cause du décès : une thrombose du cordon ombilical. Une complication rarissime. Moins de 1% de risque que cela se produise. Et pourtant, cela nous est arrivé. À nous. À lui.
Depuis ce jour, plus de douze ans ont passé. Le vide, lui, ne m’a jamais quittée. J’ai sombré. Mais peu à peu, j’ai trouvé une forme de lumière. J’ai eu deux filles merveilleuses, aujourd’hui âgées de 10 et 6 ans. Et j’ai décidé de transformer ma douleur en force.
Je suis devenue sophrologue et j’accompagne désormais les parents en deuil périnatal. Parce qu’à l’époque, j’ai cruellement ressenti le manque de personnes à qui parler, de gens qui comprenaient vraiment. J’aurais eu besoin de ça, de cette main tendue dans la nuit.
Aujourd’hui, je tends la mienne.
Pour Léo.
Pour moi.
Pour vous.
Pour nous.