La flamme qui est éteinte en moi à jamais et ne se rallumera plus
Ma fille Pauline s’est éteinte.
Ce qui m’a le plus étonnée le lendemain de son départ, c’est que les maisons étaient toujours là, bordant les rues, pleines de voitures qui continuent à rouler avec des piétons qui marchaient semblant ignorer totalement que mon monde à moi venait de disparaitre.
Un vide se fixait sur ma vie, toutes les étoiles se sont éteintes je jour de sa mort. Un arc en ciel dans ce ciel sombre.
Ce que j’aimerais la tenir au creu de mes bras et la bercer au doux son de ma voix.
Le jour de la terrible nouvelle, la neuropédiatre m’attendait. Elle commença alors un long exposé où tous les arguments furent avancés pour me convaincre
d’accepter l’impossible mais tout en me laissant la responsabilité de la décision finale.
Pauline ma petite fille n’était, d’après eux, qu’un corps au cerveau détruit qui flottait dans mon ventre rond de sept mois et demi de grossesse.
Le cœur battait encore. Il était plus facile de maintenir un être en vie que
d’accepter la mort.
Il me fallait admettre l’inadmissible et s’y résoudre et tout ça sans culpabiliser (chose impossible). Il fallait avoir le courage d’admettre que le refus
d’interrompre ma grossesse serait injuste, cruel, égoïste, malsain mais mettre fin à cette petite vie provoque le même sentiment et le doute finit par s’installer.
Au terme de plusieurs heures de conversation, la résistance se brise.
J’admets en larmes le bien fondé du corps médical. J’accepte une euthanasie sur ma fille dans mon corps. Il n’y a aucune solution proposée par la science.
Je quitte la pièce seule, les yeux rougis et la gorge douloureuse d’un cri retenu, j’étais imprégnée d’un mélange de peur, de tristesse immense, d’horreur,
de rage, …
Si forte d habitude, je fus résignée. Elle ne verra jamais le ciel, les couleurs et mon visage.
Mon compagnon et moi avions continué à vivre dans un silence commun, il régnait un calme entre nous qui était déroutant comme si j’avais fait religion de ne plus connaître la colère ou la révolte.
Je regarde une photo de ma fille, ça prolonge ce que la vie m’a enlevé.
Le temps passe et ferme les blessures même s’il ne nous épargne pas les cicatrices.
Si seulement je pouvais entendre le son de sa voix me dire maman, ses yeux qui me fixeraient. Cette idée me fait plus mal que le mal qui t’a emporté si loin de moi.
Bien souvent, je pleure et j’attends désespérément que mon compagnon cueille mes larmes du revers de sa main. Toute ma peine serait lavée par sa tendresse.
Malheureusement, ce ne fût pas le cas et dans notre douleur et le silence nous ne faisions que nous éloigner.
Je me souviens encore de ce hurlement comme une plainte animale que j’ai lâché quand je suis rentrée de mon rendez-vous. Il résonnait dans la chambre à en faire vibrer les vitres.
J’étais sans force, le regard sans vie, les bras ballants, je plongeais dans le monde de l’absence.
Ma fille a pénétré mes veines, a infiltré mon cœur qui bat chaque jour malgré son absence, cette absence sournoise qui s’infiltrait, modifiant mes émotions.
Je ressentais l’absence jusque dans ma chair, mon nez cherchait son odeur, ma main caressait ce ventre vide mes yeux qui au travers de mes larmes ne voyaient plus que des souvenirs. Je restais ainsi prostrée chez moi à contempler les murs sans même les voir.
Je revivais chaque minute de cette vie achevée trop brutalement, j’avais le sentiment de m’être noyée par mes larmes.
Le ciel blanchissant annonçait encore un jour sans couleurs.
Tous les matins sont silencieux mais seuls certains silences sont synonymes d absence. Je ne parlais plus comme si on m’avait coupé les cordes vocales,
J’avais envie de pleurer autant que je pouvais en pensant que ça nettoierait mon chagrin et pourtant …
J’ai déménagé mais quand je passe devant cette maison, ça ravive ma mémoire de façon douloureuse. Je m’enferme chez moi comme disait Baudelaire, que nos rideaux fermés nous séparent du monde et que la lassitude amène le repos.
Quel jour était-il? Que se passait-il dans le monde? Tout cela n’avait plus d’importance, je m’éloignait de la civilisation.
Après plusieurs années, nous avons décidé de faire un bébé mais en vain.
Après quelques examens médicaux, mon compagnon était devenu stérile dû au choc du décès de notre fille.
S’en est suivi un long parcours de fécondation in vitro infructueux.
Nous avons fini par nous séparer malgré que nous nous aimions encore.
Après un an, nous nous sommes remis ensemble et je suis tombée enceinte naturellement d’un petit garçon.
Mon compagnon a fait un spermogramme et tout était redevenu normal.
Il m’a fallu sept ans après le décès de notre fille pour être enceinte.
Cela fait 21 ans que ma fille est décédée et pas un jour ne passe sans que je ne pense à elle tous les jours. J’embrasse sa photo et la remercie de m’avoir envoyé son petit frère qui me comble de joie chaque jour.
Il a 15 ans à présent, c’est un garçon formidable qui m’offre énormément d’amour alors ne perdez jamais espoir chers parents car la vie est bien surprenante et profitez de chaque jour car rien n’est acquis.
