Icône d'étoile | Au-delà Des Nuages

Jack *

Tu n’es plus là où tu étais mais tu es partout là où je suis J’ai mis longtemps à me décider. Le faire ou ne pas le faire, un grand dilemme. J’ai lu tous les tém... Lire plus

Tu n’es plus là où tu étais mais tu es partout là où je suis 

 

J’ai mis longtemps à me décider. Le faire ou ne pas le faire, un grand dilemme. J’ai lu tous les témoignages sur le site de l’association, toujours avec beaucoup d’émotions. Tellement de familles, de parents sont confrontés à la perte d’un bébé. Après une longue réflexion, il m’a paru essentiel d’écrire mon histoire et surtout, de la partager. Pour moi, pour mes proches, pour les parents qui ont été, qui sont ou qui vont être un jour confrontés à l’impensable, la plus grande douleur du monde : la perte de son bébé. Cela n’arrive pas qu’aux autres ! Beaucoup de personnes connaissent les grandes lignes mais très peu ont conscience de la réalité de ce qui s’est passé, ce que j’ai ressenti et ressens aujourd’hui, 3 ans après. Si j’ai décidé de le faire, c’est aussi pour lui, pour mon Jack, ma petite étoile qui ne me quitte jamais, dans mon cœur et dans mes pensées jusqu’à mon dernier souffle.

 

Nous étions ensemble depuis 12 ans et cela faisait 2 ans que nous étions mariés. Nous avions grandi ensemble (en couple à 19 ans) et vivions une belle histoire avec des hauts et des bas, comme tout le monde. Nous avions un emploi du temps très chargé, lui sportif de haut niveau, pas souvent présent et moi, des études de médecine vétérinaire suivie d’une thèse en sciences biomédicales et pharmaceutiques. Malgré tout, nous arrivions à partir de temps en temps pour des fabuleux voyages et nous avions plein de projets d’avenir. Malheureusement, ces dernières années, nous avons traversé des épreuves difficiles : un burn-out d’un an et demi pour moi, une maladie auto-immune qui s’est déclarée pour lui, une routine où partager des moments de qualité était devenu rare. Un grand chamboulement de vie et une remise en question profonde de tout. Ce genre d’épreuve bouleverse une vie et les conceptions qu’on avait. Et cela a été le cas pour moi. Je ne voulais pas d’enfants, peur de me retrouver dans la situation dans laquelle j’ai été petite… avec des parents divorcés et cette sensation de ne pas vraiment avoir d’attaches, de devoir me démultiplier au quotidien, lors des fêtes, d’envier les autres qui ont des parents unis et partagent plein de choses ensemble… Viennent aussi énormément de questions « Pourrais-je être une bonne maman ? Serais-je à la hauteur ? Est-ce que cela va changer notre vie, à moi mais aussi à nous ? Est-ce qu’on sera assez fort pour s’adapter à cette nouvelle vie ? ».

Après ce qui nous étaient arrivés, je me suis dit que c’était trop bête que je vive avec mes peurs, je voulais également lui offrir ce qu’il désirait depuis un moment…

Un enfant.

 

A mon grand étonnement, je suis tombée enceinte rapidement. C’était un jour ensoleillé de juin 2019, je me suis réveillée en sursaut en me disant que cela faisait un moment que je n’avais pas eu mes règles. J’ai décidé de faire un test de grossesse et surprise, il était positif ! J’étais toute tremblante. Je n’en revenais pas, plein de sentiments me submergeaient, mais j’étais super heureuse ! J’ai décidé de lui annoncer de manière particulière, il fallait bien marquer le coup ! Il préparait un barbecue et il voulait un verre de vin. Je lui ai donc rempli un biberon avec du vin que je lui ai apporté. En voyant le biberon, il a eu une seconde de flottement et a dit « Mais non ?! ». On s’est alors pris dans les bras et on a pleuré, beaucoup pleuré… de joie !

 

On l’a annoncé à nos proches rapidement (de façon originale à chaque fois). Ma mère était un peu plus réservée sur cette nouvelle car elle savait que j’avais des rêves et des projets (notamment partir aux Etats-Unis faire un post-doctorat) et elle pensait que cela mettrait à mal mes envies car j’ai la fâcheuse tendance à me sacrifier, à me donner à 250% pour les gens que j’aime quitte à m’oublier moi-même. Je sais que c’est un défaut mais aussi une qualité tant qu’on arrive à garder un équilibre.

On s’est projeté, on a acheté plein de choses (chambre, vêtements, …). En septembre, nous apprenions que c’était un petit garçon. On était hyper heureux et je ne cachais pas ma grossesse, je l’assumais pleinement. Plus épanouie que jamais, je me disais sans cesse « quelle chance pour nous, après tout ce qu’on a vécu ces derniers temps, nous allons pouvoir rebondir, enfin être heureux, avoir notre famille et partager plein de beaux moments ».

 

Et puis, début novembre 2019, la sensation que le monde s’arrête, un tournant de notre vie. Directement, je sais au fond de moi qu’il y aura un avant et un après.

Nous nous faisions une joie de revoir notre petit garçon lors de l’échographie morphologique. L’échographiste est resté très silencieux. Il a regardé tout et est revenu à plusieurs reprises sur sa tête. Il a déposé sa sonde et puis, il nous a annoncé qu’il y avait un problème. Il manquait une partie du système nerveux central de notre petit garçon. Je me rappelle avoir pleuré directement et j’ai vu que mon mari avait les larmes aux yeux mais il voulait en montrer le moins possible et rester fort. Nous avons vu une autre échographiste 3 jours plus tard qui nous a confirmé le diagnostic. Elle nous a parlé des différentes possibilités que nous avions : le garder ou l’IMG (interruption médicale de grossesse), mais il fallait toutes les cartes en main pour faire le bon choix.

 

Durant ces 3 jours, j’avais beaucoup réfléchi. Il est vrai que je m’étais toujours dit que je ne garderais jamais un bébé s’il a le moindre risque d’être handicapé. Un enfant handicapé, ça a un impact énorme : sur la famille, sur les amis, sur la vie au quotidien. Et puis, égoïstement, le garder mais le jour où nous ne sommes plus là, qui va s’en occuper ? Qui va prendre soin de lui, de lui apporter tout ce que nous, parents, pouvons lui apporter ? Il va certainement se retrouver seul dans une institution pour adultes handicapés et va finir sa vie comme ça… Et le voir souffrir ? Serais-je capable de le voir souffrir alors que j’avais le choix ? Le choix de ne pas lui faire vivre la vie comme un fardeau et de ne pas souffrir dans un monde où l’intolérance est reine et le handicap n’a pas sa place. J’ai fait des recherches dans la base de données scientifiques PubMed, je demandais à mes amis médecins de se renseigner sur la pathologie de leur côté et j’ai rejoint des forums de discussion lié à la pathologie. Nous avons vu aussi différents médecins dans le cadre de la demande d’IMG et notamment une neuropédiatre. Elle nous a alors dit qu’il avait 70-75% de chance d’être plus ou moins « normal » mais quand même avec probablement un peu de retard et très médicalisé (orthophoniste, logopède, neuropédiatre,…) et 25-30% de chance d’être lourdement handicapé voir même un « légume ». Une sorte de roulette russe. Pour ma part, la décision était prise… On ne parlait pas d’une chance sur un million, non, on parlait bien d’une chance sur 4. Quand on vit dans le milieu médical comme moi, ce genre de statistique ne laisse place à aucune autre décision possible. Mon côté rationnel avait pris le dessus sur l’émotionnel et pour moi, c’était clair, je voulais une IMG.

 

La date est finalement programmée et j’ai vécu ces 2 semaines comme les pires de ma vie. J’essayais de rester forte, mais c’était impossible. A chaque agitation, à chaque petit coup de pied, je me mettais à pleurer et je remettais sans cesse ma décision en doute. Invivable, une douleur qui vous transperce la poitrine, qui vous fait littéralement et physiquement vomir. Je me disais que ça allait se terminer bientôt, que je devais profiter de ces derniers instants avec lui à mes côtés mais je ne pouvais pas le laisser partir comme ça, comme si de rien n’était. Sur les forums de discussion, j’ai trouvé alors le nom de l’association qui a tout changé « Au-delà Des Nuages ». La première fois que j’ai vu le nom, je me suis dit « quel joli nom ». J’ai pris mon courage à deux mains et j’ai consulté leur page, les témoignages et j’ai pu voir aussi quelques photos. Et là, j’en étais certaine, je voulais immortaliser mon petit garçon pour que jamais on puisse l’oublier (mon expérience et le temps m’ont appris qu’une maman n’oublie jamais son enfant. Aujourd’hui, je ferme les yeux et je le revois dans mes bras tout en me rappelant chaque détail de lui. Je me souviens de son odeur, de la forme de son petit nez, de ses petites mains fermées,…). Je voulais un souvenir de lui, un souvenir de son existence, un souvenir de ses traits, de la forme de ses pieds et de ses mains, des courbes de son corps. J’en ai alors parlé à mon mari qui était totalement contre mais a fini par accepter car je lui ai dit que j’en avais besoin. J’ai informé l’hôpital de mon envie et nous les avons contactés pour qu’ils viennent.

 

Nous sommes le 23 novembre 2019 quand j’accouche de mon petit garçon en début de matinée. La veille, nous sommes rentrés à l’hôpital pour m’hospitaliser, procéder à l’arrêt du cœur de mon bébé et me faire une péridurale pour que tout se passe le mieux possible. Je profite également de ce témoignage pour remercier infiniment mon amie, ma bonne fée Céline, médecin anesthésiste qui a tout fait pour que ce moment soit le moins pénible pour moi. J’ai pu bénéficier, grâce à elle, du meilleur accouchement possible. Ce 23 novembre 2019 à 7h10, ma vie a changé au moment où je l’ai pris dans mes bras. Et même s’il n’y a pas eu de cris, pas de mouvements, je suis devenue maman pour la première fois d’un magnifique petit Jack de 850g et 36cm, des nombres qu’on n’oublie jamais.  Nous sommes restés de longues heures avec lui et je ne regrette pas du tout ce moment. J’en avais besoin et j’ai même eu du mal en m’en séparer. Dans l’après-midi, quelqu’un a toqué à la porte. Une dame est rentrée et s’est présentée. J’ai remarqué tout de suite sa tendresse et sa compassion dans la voix. Une des premières choses qu’elle a dit restera gravé à jamais « Félicitations, vous êtes devenus parents ». Cela peut surprendre au début mais c’est en fait la réalité. Je suis devenue maman, une mamange mais une maman quand même. Être reconnue comme telle était très gratifiant à mes yeux. Je l’ai porté pendant 6 mois, je l’ai senti pendant plusieurs semaines, je lui parlais, je le caressais, on faisait tout ensemble, à deux. Oui, j’étais devenue une maman. Elle va alors prendre le temps de réaliser de magnifiques photos immortalisant à jamais mon petit Jack. Des photos d’une extrême douceur, toutes plus belles les unes que les autres dont une a été agrandie, imprimée et accrochée au mur du hall de nuit. Chaque jour, je passe devant et je regarde ses petits pieds qui me font face entourés dans sa petite couverture que j’avais apporté ce jour-là.

 

Je réalise la chance que j’ai eu d’être tombée sur l’association qui m’a aidé, en partie, à faire mon deuil. Je ne remercierai jamais assez cette dame pour la bienveillance, le professionnalisme et la gentillesse dont elle a fait preuve ce jour-là. Pour faire ce travail, il faut des qualités incroyables mais surtout une humanité hors norme. Peut-être qu’un jour, je deviendrai bénévole à mon tour mais à l’heure actuelle, je ne m’en sens pas encore capable. Ils font un travail extraordinaire, un travail qui apporte tant de choses à des parents comme moi et comme tant d’autres. La perte d’un bébé ou d’un enfant est encore trop tabou à l’heure actuelle et pourtant, c’est le quotidien de milliers de parents à travers le monde. Face à cela, l’entourage est encore plus démuni dans la façon de réagir envers les parents endeuillés. Pour ma part, je parle de Jack ouvertement, sans tabou et tout ce que je demande, c’est de ne pas me juger pour cela. C’est de la bienveillance, l’amour d’une maman. Il fait partie de ma vie, il est dans mon cœur et ma tête chaque seconde qui passe. Il y a une magnifique phrase de Victor Hugo qui exprime tout à fait ce que je ressens :

 

« Tu n’es plus là où tu étais mais tu es partout là où je suis » 

 

Le courage, c’est assumer un enfant handicapé mais c’est aussi, et bien trop souvent oublié, se faire souffrance toute une vie en assumant son choix de l’interruption de grossesse pour de ne pas faire potentiellement souffrir son enfant en lui offrant une vie qui n’en est pas vraiment une. Ne dit-on pas qu’on veut le meilleur pour eux ? Une amie (mais si elle savait, bien plus à mon cœur car elle m’a énormément parlé et aidé dans cette épreuve) m’avait écrit un mail. Elle a, elle aussi, subit une IMG de son premier bébé, son petit garçon. Je me souviendrai toute ma vie de cette phrase qu’elle m’a dit et qu’on lui avait dit aussi à l’époque « Certaines décisions difficiles à prendre sont un geste d’amour et probablement le plus beau ».

 

Aujourd’hui, beaucoup de choses ont changé dans ma vie. Bien que j’aie vécu une grossesse très compliquée psychologiquement au point de m’être totalement isolée par peur et par stress, j’ai finalement eu l’immense bonheur d’être une deuxième fois maman d’une incroyable petite Lily qui inonde ma vie de bonheur et qui m’a changé viscéralement et psychologiquement. Elle est mon bébé arc-en-ciel qui m’a fait réaliser à quel point avant, j’étais perdue. Les vraies valeurs de la vie, ce sont les enfants, la famille, les amis et partager des moments uniques et précieux avec ceux qu’on aime. Malheureusement, j’ai aussi divorcé de l’homme que je croyais, au plus profond de moi, être celui de ma vie, le père de mes enfants. Ce genre de drame n’est pas sans conséquence et je pense que le manque de communication à la suite de cela, l’éloignement pour se protéger chacun et un deuil qui n’a pas été fait au même moment peut créer un fossé. Malgré tout, je suis convaincue (un peu optimiste de nature) qu’avec un peu d’aide extérieure, avec un entourage qui vous soutient et une communication retrouvée, on peut éviter de se retrouver dans cette situation. Aidez-vous, prenez-vous la main et n’oubliez jamais pourquoi vous êtes tombés amoureux. Il ne faut jamais penser que vous êtes plus forts que les autres, que vous vous en sortirez seuls, ce n’est pas le cas. Même les plus solides, comme moi, qui n’était pas très « psy » à la base, j’ai fini par aller en consulter un qui m’a aidé dans mon processus de deuil car oui, cela a été très compliqué, surtout après avoir appris que c’était la faute à pas de chance (rien de génétique). Pour quelqu’un de scientifique comme moi, ce genre de conclusion est inconcevable. Si aujourd’hui, j’ai l’impression d’avoir tout perdu, d’être dans la situation que je ne voulais absolument pas et que ma vie s’est arrêtée, je m’accroche à cette pensée de me dire que ma petite étoile veille sur moi et un jour, j’espère avoir la chance d’avoir une vraie famille, unie, comme je n’ai jamais connu mais comme j’ai toujours voulu depuis la naissance de ma Lily chérie. Ma fille, c’est ma vie et je ferai tout pour elle.

 

Ce témoignage est pour toi mon Jack, ma petite étoile. Tu étais beau comme la lune et chaque petit détail de toi restera gravé à jamais dans ma mémoire. La vie n’est pas facile et, parfois, dure à accepter. Il y a des blessures qui ne disparaissent jamais. Avec le temps, elles finissent par se fermer mais laissent toujours une cicatrice. Tu laisses un grand vide dans ma vie mais il n’y a pas une seconde où je ne pense pas à toi. Aujourd’hui, mon cœur est lourd mais je suis apaisée parce que je sais qu’un jour, on se retrouvera… Toi et ta sœur, je vous aimais, je vous aime et je vous aimerai jusqu’à la fin. Votre maman qui vous aime infiniment. 

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