Comme beaucoup d’autres, on a vécu la tragédie de perdre notre enfant, Basile.
A l’écho morpho, la gynécologue qui paraissait si sympathique nous a expédiés sans un mot faire des tests complémentaires à la Clinique Saint-Luc et après 48h de cauchemar à imaginer le pire, le pire est arrivé: un spina bifida sévère avait atteint notre petit et il avait peu de chances de vivre.
On a dû faire le deuil d’un enfant dont on a entendu battre le cœur, appris à aimer en voyant son corps se former et même de l’accueillir pendant quelques instants, gravés à jamais grâce au talent des photographes d'”Au-delà des nuages”.
A l’enterrement, je n’ai pas pu dire les mots simplement et j’ai transmis mes émotions sous la forme d’un conte. On ne savait juste pas encore que la douleur continuerait suite à des complications sérieuses chez la maman. Mais un an plus tard, on est retournés à l’endroit où ses cendres ont été dispersées et j’ai relu et repartagé ce conte sur mes réseaux. J’ai envie maintenant de le partager auprès d'”Au-delà des nuages”, association qui nous a tant apporté quand tout allait mal.
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Le tout petit prince d’un tout petit royaume
Il était une fois un Roi qui régnait seul depuis des années sur un tout petit royaume.
Si la joie et la fête résonnaient souvent dans les maisons du Royaume, le Roi n’était jamais vraiment heureux et désespérait d’un jour trouver une Reine qui pourrait régner à ses côtés.
Un jour, il rencontra la plus formidable des Reines de tous les royaumes dans la taverne la plus réputée de la région, La Taverne du Sieur Félix.
Elle venait de quitter un royaume lointain où elle était malheureuse et voyageait maintenant avec son jeune prince et ses deux jeunes princesses.
Le coup de foudre fût immédiat et les deux tourtereaux habitèrent vite ensemble dans un château à mi-chemin entre leurs deux royaumes.
Mais très vite, cette solution ne fut pas idéale et le Roi et la Reine décidèrent de construire le plus beau des châteaux de tous les Royaumes dans un coin magnifique, au bord d’un ruisseau, entouré de belles et vertes prairies.
La vie au château était toujours emplie de joie et de fête mais cette fois le Roi avait toute une famille pour profiter de son bonheur. La Reine était comblée, le Prince et les Princesses nageaient dans le bonheur. Mais le petit prince, grandissant d’année en année, semblait prêt pour prendre un peu son indépendance et rejoindre une autre partie du château, ce qui laisserait une place vide dans les chambres du donjon.
Le Roi et la Reine prirent alors la décision d’agrandir la famille et d’avoir un nouveau Prince ou une nouvelle Princesse.
Le bonheur eut vite fait de sourire au couple royal car à peine deux mois après leur décision, la Reine annonça au Roi qu’elle était enceinte.
Après avoir consulté plusieurs fois une fée, dotée de vrais dons en ce qui concerne les futures naissances, et étant sûrs que tout était en ordre, le Roi et la Reine envoyèrent des messages dans toutes les contrées pour annoncer la venue d’un nouveau Prince pour le retour de l’été.
Durant tous ces moments dans le grand monde, dans un tout petit royaume, un charmant tout petit Prince du nom de Basile vivait sa meilleure vie. Une vie sans soucis car il dirigeait son petit royaume à sa guise, n’étant que le seul habitant d’un château confortable où il ne devait pas se soucier de se nourrir, de boire ou de travailler.
Les seuls évènements qui bousculaient ses journées paisibles étaient les bruits qu’il entendait au loin quand il écoutait aux murs de sa forteresse.
Il entendait deux voix qui lui semblaient familières parler de belles choses qui le faisaient rêver ! « Il sera le plus grand Acteur de théâtre de sa génération ! » ; « Il a déjà ton nez. » ; « J’ai trouvé une tonne de vêtements avec les symboles d’Indiana Jones ! » ; « C’est vraiment une grossesse heureuse. » ; « Je l’emmènerai le plus vite possible à la piscine. » ; « Et moi, je suis impatient d’aller en vacances avec lui au Lac d’Ailette ! » Mais la phrase qu’il aimait le plus était « Je t’aime ! » que les deux voix répétaient souvent.
Le jeune Prince Basile ne comprenait pas vraiment ce que racontaient ces voix mais elles semblaient si agréables à l’oreille qu’il ne se lassait pas de les écouter. Il arrivait même qu’il tape contre le mur pour entendre encore plus ! Et ça marchait à tous les coups !
Dès qu’il tapait contre le mur, il y avait toujours une voix douce et féminine qui répondait. Et parfois même la voix plus grave se mêlait à la conversation. Mais attention, il ne devait pas taper trop fort sinon la douce voix semblait contrariée. Mais parfois il ne pouvait s’empêcher d’y aller de tout son cœur. Même contrariée, cette voix était pour lui le comble du bonheur.
Quelque temps plus tard, il était intrigué car il entendait de plus en plus de voix venant de l’autre côté des murs et tout semblait si génial : des voix d’enfants parlant avec des mots comme « petit frère » mais aussi des voix plus fortes mais qui semblaient toutes heureuses.
A partir de ce moment-là, le jeune Prince Basile prit une décision : il voulait quitter son royaume de tranquillité pour rejoindre toutes les voix enjouées qui faisaient maintenant son quotidien. Mais que c’était difficile ! Comment passer à travers ses murs qui semblaient magiques et indestructibles ? Mais sa joie était tellement grande qu’il continua d’essayer sans se soucier qu’il pouvait se faire mal, à essayer de détruire des fortifications ensorcelées.
Pendant ce temps, dans le royaume du Roi et de la Reine, les grands préparatifs avançaient. Les deux amoureux ne ménageaient pas leur peine pour aménager le château de tous les accessoires nécessaires pour accueillir un nouveau Prince. Ils avaient bientôt rendez-vous avec la fée, qui leur dirait, grâce à ses pouvoirs, si le futur Prince était en bonne santé maintenant qu’il avait déjà bien grandi.
Mais à leur arrivée, la fée ne parut pas si lumineuse que la dernière fois. On aurait dit qu’une sorcière avait pris l’apparence de la fée si charmante. Sans un sourire, elle conseilla le couple royal d’aller voir ailleurs, que ses pouvoirs n’avaient plus d’effet.
L’endroit où ils arrivèrent était bien mystérieux. C’était une sorte de grande tour à plusieurs étages où s’agglutinaient, comme des abeilles, plein de personnages : des magiciens et des magiciennes, des fées et toute une population de gens du peuple réclamant leurs pouvoirs.
Le Roi et la Reine passèrent du temps à essayer de se retrouver dans tous les dédales de la grande tour et finirent par arriver tout en haut, au dernier étage, où ils trouvèrent enfin des fées qui semblaient pouvoir répondre à toutes leurs questions.
Au même moment, dans son tout petit royaume, le Prince Basile semblait décontenancé. Alors qu’il y mettait tout son cœur pour communiquer avec les voix de l’autre côté du mur, les voix n’étaient plus si agréables. Elles semblaient même plutôt inquiètes et tristes.
Était ce de sa faute ? Après un long moment, il entendît des voix inconnues, au discours magique. Mais malgré la beauté de leurs incantations, le petit Prince comprit que ce qu’elles disaient ne plaisait pas aux jolies voix qu’il connaissait maintenant depuis longtemps.
« L’enfant semble avoir été déformé par une vilaine malédiction. Il ne pourra pas découvrir les différents Royaumes de ce monde. Il va devoir vous rejoindre plus vite que prévu. »
Mais que voulait dire cela ? Le Prince Basile ne comprenait plus rien … Personne ne semblait comprendre la joie que lui procuraient ces quelques mots « Il va devoir nous rejoindre plus vite que prévu ». Était ce le signe qu’il allait enfin sortir de ce château pour découvrir qui se cache derrière toutes ces voix ? Si oui, où était le problème ? Il sait qu’il sera heureux quand il sera entouré de ses deux voix préférées sans que leur son soit atténué par des parois épaisses. Pour montrer sa joie, il redoubla d’efforts pour communiquer et tapa toujours plus fort sur les murs. Mais plus il tapait et plus il sentait de la tristesse où avant il y avait de la joie.
Quelques temps après, il entendit la voix semblable à celle d’un général de l’armée dire à la douce voix qu’il aimait tant qu’il fallait maintenant y aller. Il sut alors que c’était le moment où il allait enfin rencontrer les voix qu’il aimait tant. Mais au moment où il sentait qu’il allait arriver enfin à savoir ce qu’il y avait derrière ces murs, il sentit une grande fatigue venir. Aurait-il oublié de dormir ces derniers temps tant il était absorbé par sa quête ? Il avait beau lutter, il n’y arrivait pas et ses yeux se fermèrent sans qu’il ne puisse rien faire. Ce sommeil était si agréable, si reposant … après tant d’efforts, c’était un plaisir de se laisser aller.
Tout à coup, il se souvint, il allait voir enfin qui se cachait derrière les voix qu’il entendait depuis si longtemps. Il les entendait d’ailleurs de plus en plus fort. Il faisait même d’ailleurs moins sombre depuis un moment. Si seulement il arrivait à ouvrir ses yeux mais son sommeil semblait ne plus avoir de fin … Après un court voyage, il réentendit ses voix préférées et ressentit de nouvelles sensations.
Alors qu’il avait très froid, il sentait la chaleur de corps près de lui, il sentait l’amour et la tristesse dans ce qu’ils se disaient.
Mais même s’il était très attiré par tout cela, il sentait qu’il avait besoin d’encore dormir, encore un peu … il décida de prendre son plus beau sourire pour faire plaisir à ces deux jolies voix et de se laisser aller au sommeil …
Le Roi et la Reine pleuraient en voyant leur jeune Prince qui ne respirait pas. Il était pourtant tellement beau et il arborait un magnifique sourire angélique. Il semblait dormir comme un bienheureux. Au milieu de leur tristesse, ils se surprirent à tout de même sourire en regardant ce petit être si mignon, en pensant aux sujets de leur royaume et des royaumes amis qui leur témoignaient tellement d’amour, à toutes ces fées, magiciens et magiciennes qui les soutenaient depuis maintenant plusieurs jours.
Quand ils rentrèrent rien qu’à deux au Royaume, toute la populace était en deuil et comprenait que le Roi et la Reine avaient besoin d’être un moment seul à seul, loin des contraintes du Royaume. Mais ils étaient confiants, le Roi et la Reine avaient expliqué à tous que comme ils s’aimaient énormément, ce moment ne durerait pas et qu’en regardant leur petit bonheur de Prince sourire alors qu’il ne respirait pourtant plus, ils étaient sûrs qu’il leur avait parlé. Que le bonheur en partant, leur a dit qu’il reviendrait, qu’après de jolis ciels étoilés, sortent parfois les plus beaux arcs-en-ciel.